20/11/2020

Tangente#3 : Mondes parallèles et autres imaginaires

© DR

Forbidden Planet (1956)

Le podcast

Une salle de concert et des studios fermés au public, pendant de longues semaines, c’est un monde parallèle en soi. Des micros abandonnés, une régie d’enregistrement esseulée, une équipe qui refuse de tourner en rond et qui choisit de prendre la tangente. Cela donne un podcast où l’on parle musique forcément, et puis jeux-vidéo, cinéma, et même cuisine avec une bande son de foufou. Bonne écoute !


Mondes parallèles, virtuels et lointains, une brève histoire des imaginaires à travers la pop music.

C’était en avril dernier. À l’époque nous utilisions des expressions comme "monde d’avant", "monde d’après". Était-ce le commencement d’une de ces dystopies qu’on nous promet à travers la littérature ou le cinéma depuis déjà tant de décennies ?

Nous ne voyageons pas encore dans le futur, nous ne nous aventurerons pas à lancer des hypothèses ; mais ce qui est sûr c’est qu’en cette fin du mois avril nous n’en pouvions déjà plus de ces live Facebook ou Instagram qui inondaient nos vies confinées, à nos corps défendants. Pléthore d’artistes aux dégaines négligées, aux coiffures hirsutes plus ou moins étudiées, portant des t-shirts de 25 ans d’âge, donnaient des concerts improvisés dans leur salon avec leur mug posé sur la table basse…

Imaginez David Bowie en chaussettes et caleçon dans son canapé reprenant Life on Mars ? Non. Et d’ailleurs, lui, l’alpha et l’oméga de la vision pop, s’il était toujours des nôtres, n’y aurait probablement pas participé. Il aurait été ailleurs, en train d’explorer un autre monde, en parallèle, ou le rêve et l’audace sont encore possibles. Ce qu’il avait d’ailleurs anticipé, dès 1999, en entrouvrant la porte sur un monde numérique encore balbutiant et abstrait...


Avatar

Car en ce fameux mois d’avril 2020, le 23, un jeudi précisément, des jeunes gens désignés par leurs aînés comme la génération Z, succédant aux "millennials" déjà obsolètes, rassemblaient par dizaines de millions leurs avatars sur le jeu en ligne, Fortnite pour acclamer le rappeur US Travis Scott. Au moment même où le monde de la culture se désespérait des salles vides, où nous nous sentions désemparés à l’idée de ne pouvoir sortir voir un concert, de nombreux ados, entre autres lorientais, avaient donc ordonné à leur smartphone de les réveiller en pleine nuit pour être au rendez-vous de l’Astronomical, nom donné à ce concert.

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Ainsi, autour d’un géant, tel un Gulliver chez les lilliputiens, déboulant d’une planète artificielle descendue du ciel, l’avatar de Travis Scott, star interplanétaire, chantait, et jouait avec les éléments dans un déluge d’artifices numériques, fantasmagoriques et psychédéliques, de couleurs criardes, de feux d’artifices, sous les acclamations des avatars-fans-spectateurs à ses pieds.
Certes il n’était pas le premier, le Dj Marshmello l’avait précédé dans le même jeu. Si on pratique l’archéologie numérique, il y eu même dans les années 2000 un concert de U2 mais conçu, celui-ci par les fans dans Second Life, première tentative de monde virtuel global. Est- ce donc là, l’avenir de la musique et des concerts live ?

Peut-on le voir comme un symbole et un basculement vers un monde virtuel comme échappatoire ? Définitif, comme l’imagine Steven Spielberg dans Ready player one ? C’est en tout cas l’événement qui a, jusqu’à présent, eu le plus de retentissement notamment médiatique en 2020…
Fortnite est donc un jeu en ligne communautaire de battle. Les participants choisissent un avatar modélisé sur un certain nombre de critères comme c’est déjà le cas depuis longtemps avec les SIMS notamment. C’est ce qu’on appelle un metavers, (contraction de meta universe, en français méta-univers) comme le sont aussi les tout aussi populaires Minecraft ou Animal Crossing. Ces lieux de sociabilité et d’échange, ces "tiers lieux" virtuels accueillent aujourd’hui nombre de confinés dans cet à côté empli de références pop. La musique et son industrie ne pouvaient rester en marge…

À peu près au même moment que Travis Scott, Courier Club un groupe post-punk américain, décide d’organiser sur Minecraft un festival événement. Ses membres ont grandi avec le jeu. L’idée leur semble tout à fait naturelle. Le Block by Blockwest (BXBW, référence au festival South by Southwest à Austin au Texas) nait et on voit dans le jeu, semaine après semaine, avec la collaboration à travers le monde de la communauté Minecraft se construire un espace, des scènes comme pour un festival en plein air. Ce festival se déroulera sur une durée de 7h avec quarante concerts répartis sur trois scènes. Des groupes de l’underground, de la scène indé mais aussi les Pussy Riots et même Massive Attack doivent participer. Devant le succès et les dizaines de milliers de connexions les serveurs lâchent… Le festival se tiendra finalement le 16 mai 2020.

Dans un autre métavers, Gorillaz, précurseur dans l’utilisation d’avatars animés au sein de son propre univers, présente son nouvel album en exclusivité dans un talk-show virtuel au succès énorme dans le non moins fameux Animal Crossing. Alexandria Ocasio-Cortez (l’une des sénatrices les plus populaires et grand espoir démocrate pour le futur des Etats-Unis) faisant même des pieds et des mains, sans succès pour l’instant, pour y apparaitre et rencontrer les membres-avatars…
Ce processus, accéléré bien sûr par la pandémie, peut paraitre vertigineux, abyssale, c’est selon, voir un choc de civilisation pour certains.


Virtuellement votre.

Tout comme pouvaient l’être, dans le monde d’avant et en provoquant d’interminables polémiques, il n’y a pas si longtemps, ces quelques tentatives inverses : en intégrant du virtuel dans le réel, de la réalité augmentée, le lointain fantasme de l’industrie musicale, prométhéen, de l’hologramme ressuscitant les idoles du passé, était en passe de se réaliser. En 2012 lors du Coachella, un concert de Dr Dre et de Snoop Dog créait le buzz puisque l’hologramme de 2Pac, décédé en 1996, chantait en leur compagnie sur scène. L’illusion était bluffante mais certains des mots qui sortirent de la bouche de son hologramme n’auraient pas pu être prononcés de son vivant. D’où la polémique.

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Des tentatives ont eu lieu avec Michaël Jackson et en France avec Dalida ou Claude François mais le procédé reste imparfait techniquement et provoque le malaise. Pour le moment.

Bien avant que nous soyons confrontés à ces frontières floues entre réalité et vie numérique, à la fin du XXème siècle, la préhistoire donc, David Bowie, toujours lui, en 1999 précisément, se voit solliciter pour l’utilisation d’un édit de son titre Heroes pour un jeu vidéo, The Nomad Soul. Il refuse et retorque qu’il veut créer une B.O. spécialement pour le jeu. David Cage, débutant dans la création d’un jeu à l’époque, et personnalité incontournable aujourd’hui ajoute un avatar à son effigie dans le jeu. Bowie a déjà tout compris…

Dès lors, les multinationales du disques anticipent plus ou moins selon le degré de clairvoyance, des accords avec les sociétés de jeux vidéo. Les pontes de cette toute nouvelle industrie aussi. Et les bandes sons des jeux vidéo deviennent des enjeux stratégiques…
On ne sait ce qu’il adviendra de tout çà mais au-delà de cette instantanéité, de cette virtualité interactive et éphémère, de profonds bouleversements de nos habitudes sont en cours sans que l’on ne s’en aperçoive vraiment…


La nuit des temps

D’autre mondes, d’autres futurs, l’humain en rêve depuis la nuit des temps et la musique a toujours été un vecteur formidable pour errer, vagabonder dans l’espace-temps, le cosmos. À quoi rêvait Pythagore, 600 avant notre ère, quand il décrivait des astres en rotation immobile jouant une gamme musicale complète ?

Pendant longtemps la religion, les dieux, les anges, les démons occupaient invariablement les œuvres et les divagations musicales des artistes. Au XIXème siècle, l’époque romantique le fantastique et le surnaturel, la magie, les esprits viennent en contrepoint du rationnel dominant.

Avec le progrès des sciences, l’avènement de la philosophie des Lumières, puis l’industrialisation croissante, la technique de plus en plus omniprésente et centrale envahit les esprits des artistes et ce n’est plus Dieu mais l’homme qui se retrouve au centre. Après avoir dompté la nature, les hommes veulent désormais s’attaquer à l’univers, partir à la conquête de lointaines planètes, voyager dans d’autres dimensions.


Tout l’Univers

La technologie, l’électricité, influent grandement sur le développement des musiques populaires et, c’est flagrant, après la seconde guerre mondiale. L‘amplification, les guitares, les ordinateurs arrivent, les bandes magnétiques, les collages aussi. La musique électronique, les synthétiseurs. Les laborantins vont très doucement faire place aux créateurs.

En 1956, Bebe et Louis Barron, parmi les premiers à s’aventurer dans les bidouillages, à la demande d’un producteur d’Hollywood qui trouve que leur musique le transporte dans une autre dimension, réalisent la B.O. d’un film pièce maitresse du cinéma de science-fiction aujourd’hui, Forbidden Planet. Cette bande originale va laisser son empreinte sur tout un tas de de teenagers, et ce pendant plusieurs décennies, et jouer un rôle indéniable dans la propagation et la popularisation des musiques électroniques. Ils ne seront d’ailleurs, à l’époque, pas crédités comme musiciens mais dans la catégorie "sound-effect" à la demande des syndicats de musiciens professionnels. L’album de la B.O. ne sortira officiellement que près de 20 ans plus tard en 1977.

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En 1970, le célèbre auteur de science-fiction Robert Silverberg dans son roman Les Monades urbaines donne naissance à un personnage, Dillon, auteur d’une musique électronique planante. Quelques mois auparavant David Bowie donne forme à son célèbre alter ego Major Tom dans Space Oddity inspiré par 2001, L’Odyssée de l’Espace de Kubrick. Lui succéderont Ziggy et ses Spiders From Mars. La chanson devient emblématique puisqu’elle sert de générique à la BBC lors de la
retransmission de l’alunissage d’Apollo 11 en juillet 1969. Le personnage comme une fétiche ou balise ultime interrogera constamment les productions d’un tas d’auteurs à l’instar encore dernièrement de la jeune popstar anglaise Declan McKenna, son odyssée interstellaire, The key to life on earth et ses évidentes accointances revendiquées.

Le rock progressif, puis la musique new age, les B.O. synthétiques au kilomètre vont inonder les années 70 et 80. On fera beaucoup appel dans les années 70 aux groupes planants de musique électro comme Tangerine Dream et ses clones pour illustrer la multiplicité des séries B ou Z de SF. Les B.O à l’image des films apparaissent souvent boursouflées et kitch… Une comédie musicale parodique et grandiloquente le Rocky Horror Picture Show réussit en 1975 à se hisser hors de ce gloubi-boulga.

Quelques autres grandes réussites s’extraient de la masse aujourd’hui. C’est le cas très notable d’Alien ou du chef d’œuvre récent de Christopher Nolan, Interstellar (Hans Zimmer) dont les bandes originales contribuent largement aux climats anxiogènes et hors des mondes connus de ces films.

Heureusement, en pleine guerre froide au milieu des années 70, un groupe allemand, Kraftwerk sera le grand architecte et le guide électronique parfait pour une toute nouvelle génération à partir des années 80. Les sons électroniques et la matière pop produite par le groupe de Düsseldorf conduiront une multitude d’artistes à se saisir des ordinateurs dès que les avancées technologiques rendront possible leur utilisation domestique.

Kraftwerk avec Autobahn ou Computer World s’attelle à la critique du monde et la description d’un devenir d’une humanité empathique envers la machine et les robots. Les musiciens de Detroit entre autres, auront leur propre lecture de la réalité et de son échappatoire fictionnelle.


Au pays des merveilles

Le progrès scientifique, c’est aussi l’afflux massif des drogues notamment de synthèse. Celles-ci en plus de surgir dans des studios déjà embrumés, désinhibent les cerveaux et sont responsables de quelques-unes, pour ne pas dire toutes, des œuvres les plus remarquables de l’histoire du rock.

Après leur rencontre avec le livre de Timothy Leary, The Psychedelic Expérience, les Beatles créent Sergent Pepper’s, abordent presque ouvertement des effets de la drogue (Lucy in the Sky with Diamonds, plus tard Come Together) et embarquent dans un Yellow Submarine. La quasi-totalité des artistes rock opèrent ce basculement dans les mondes merveilleux après 1966, résultats de nuits, de semaines entières en haute altitude. Certains ne se souviennent de rien de ce qu’ils ont bien pu y fabriquer… Jim Morrison donne le nom The Doors à son groupe en référence aux Portes de la Perception, livre de Aldous Huxley, auteur de la dystopie Le meilleur des mondes relatant son expérience avec les drogues. Ce que Lewis Carrol décrivait déjà dans Alice au pays des merveilles.

O combien la consommation des drogues a radicalement transformé les années 60... Tout le spectre de la pop culture d’après-guerre y a touché.
Apres l’euphorie viendront les excès, les addictions, les morts et musicalement les baudruches dégonflées succèderont aux folles échappées magiques et exubérantes. Bowie lui-même dans Ashes to Ashes en 1980 sonnera le glas et prononcera ses paroles terribles "We know Major Tom is a junkie"…


DUNE

Pendant que Philipp K. Dick et sa paranoïa s’abreuvait aux sons de Mozart ou Bach et s’enfonçait sous les substances illicites dans des romans dystopiques et psychédéliques. Alejandro Jodorowsky tentait d’adapter le chef d’œuvre fascinant de la SF de Franck Herbert, Dune. Le projet, colossal, en compagnie de Moebius, n’aboutit pas. La musique devait occuper une place de choix pour dépeindre ce monde imaginaire total bien avant le succès commercial et mainstream de Star Wars et sa célébrissimes musique symphonique de John Williams.

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Dans le Dune de 1984, le choix du groupe FM Toto ne fut en revanche pas la plus géniale des idées de David Lynch, mais presque tout fut raté dans cette adaptation.
Jodorowski lui, fit appel à des grands adeptes des fameux médicaments : Tangerine Dream, Magma, Mike Oldfield et surtout Pink Floyd. L’épice, au centre de l’intrigue du roman, comme le répète à l’envie Paul Atréides, le fils du Duc et futur Kwisatz Haderach, substance indispensable repliant l’espace afin de permettre les voyages intersidéraux, n’est-elle pas une métaphore de la consommation des drogues ? Il n’en reste malheureusement rien si ce n’est deux albums d’un membre de Tangerine Dream, Klaus Schults. Dans son dixième album ce dernier fait référence sur deux titres majeurs au roman et à ses personnages. Il sortira en 1979 un 11ème album du nom de Dune.

De nombreux essais ont été produits, notamment ceux de Richard Pinhas, des plus obscures groupes tels Z ou Eros et même de Iron Maiden dont un titre de leur album Piece of mind fait référence directe à Paul Atréides le héros du roman.

Dans le monde d’avant, nous serions aujourd’hui dans une attente frénétique du Dune de Denis Villeneuve censé sortir en ce mois de novembre 2020. Dans le monde d’après, on se consolera en visionnant le trailer du film avec le titre Eclipse de …Pink Floyd en guise de bande son et d’hommage à Jodorowski.

Un magnifique livre graphique proposé par le remarquable magazine Rockyrama et accompagné d’une non moins géniale compilation de titres orignaux inspirés par Dune de Gaspard Augé (Justice), Rob, Bernard Szajner (Zed), Étienne Jaumet (Zombie Zombie), Mondkopf et Ivort devrait continuer à entretenir le culte.

Comment ne pas faire un tour par le Japon et son cinéma d’animation, son avant-gardisme technologique. À la fin des années 90 la musique électronique commence concrètement à prédominer. Les enfants ayant passé leur après-midi devant les dessins animés japonais dans les années 80 expriment leur attachement et leur nostalgie vis-à-vis des maitres es de l’animation et du manga. Daft Punk rend directement hommage à Albator en signant le scénario et la bande son du film Interstella 5555 : The Story of the Secret Star System dont la réalisation est confiée à Kazuhisa Takenouchi le créateur d’Albator.

Daft Punk montrera aussi sa passion pour les jeux vidéo et la science-fiction en travaillant pour Disney sur la B.O. du second volet du film Tron, qui fit sensation à l ‘époque en 1982 dans l’utilisation des images de synthèse au cinéma.

On peut au passage se demander ce qu’auront pour résultat, les dizaines d’heures que passent les adolescents avec les sons entêtants de Super Mario ou de Legend of Zelda dans les oreilles


Abysses

Dans la droite ligne donc du courant mystique afro-futuriste, James Stinson et Gerald Donald forment à Détroit le duo Drexciya en 1989. Ils émergent à la même période que leurs camarades de Underground Resistance sur des aspects artistiques un poil différents. Ces derniers étant plus attirés par l’espace. Les identités des deux membres du groupe resteront d’ailleurs secrètes jusqu’en 2001. Autour des musiques électroniques, et des premières galettes de Juan Atkins et de Cybotron, ils ont tout le loisir de construire un univers entier et évolutif pendant une dizaine d’années. Leurs premières traces discographiques se situent en effet en 1992.

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À partir du Timée de Platon et du mythe de L’Atlantide qui attise les fantasmes depuis deux millénaires, James Stinson raconte une légende qui débute pendant la période de la traite atlantique. Les fœtus des femmes esclaves jetées à la mer, en raison de leur grossesse lors de la traversée, s’approprient la fameuse cité engloutie abandonnée, et la nomment Drexcya.
Sur une musique entre nappes électroniques minimales, techno, électrofunk, pop douce et liquide, chaleureuse ou inquiétante, rappée de spiritualité, de technologie, de culture noire, et fortement marqué par le black power. Au fil de sorties discographiques, une utopie sonore et instrumentale, suggérée plus que décrite se met en place.

En s’enfonçant dans les contrées subaquatiques, dans les abysses, Drexciya permet tout : c’est le noir des profondeurs et ses angoisses, mais aussi la limpidité, la fraicheur, la pureté, la luminosité des rayons du soleil sous la surface, et rappelle évidemment le rassurant liquide amniotique.

Drexciya dépasse aujourd’hui largement le statut de secret underground. Une communauté bien vivante sur toute la planète, échange et se retrouve pour faire vivre la légende. James Stinson, décédé en 2002, jouera aussi sous le nom de The other people place et Gerald Donald sous ceux de Arpanet et Dopplereffekt.

Drexciya était porté par la volonté d’établir la complexité d’un rapport au monde, d’exposer ses émotions, ses révoltes, exprimer sa révolte face aux injustices politiques, sociales et économique... Le format idéal étant pour eux, à travers une uchronie et un vecteur en prise directe avec son temps, de le transformer en objet pop, en une œuvre comme matière à dialoguer, à briser une réalité trop triviale à supporter.


Cosmos

C’était sans doute ce genre de considération qui animait aussi leur illustre et incontournable prédécesseur : Sun Ra, son Arkestra, et son œuvre monumentale. Né dans l’Alabama, pas le meilleur endroit pour s’épanouir en tant que personne de couleur, il sera, très jeune, membre d’une loge maçonnique noire et sera l’un des premiers objecteurs de conscience noir. Né Herman Blount, devenu musicien de jazz, il se nomme rapidement Sun Ra (sun : soleil en anglais et Ra le dieu égyptien du soleil).

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Après une carrière de musicien jazz assez classique, il fonde donc l’Arkestra à Chicago en 1953. Dès lors il se laisse partir sur des contrées que seul lui peut tenter d’apprivoiser. De son cerveau, les tempêtes et les fulgurances cosmiques vont alimenter plus de 200 albums.
Au be-bop des débuts, succèdent claviers électroniques, musique concrète, psychédélisme. Il expérimente de façon totalement libre et touche à tout, porté par une mystique personnelle dont il est l’ange, imprégné par la mythologie égyptienne et la science-fiction.

Il prétend avoir été capturé par les extra-terrestres en 1936 et sur Saturne, il aurait eu pour mission de vaincre le chaos par la musique. Un film sorti en 1974 Space in the place raconte son histoire : les personnages y visitent une planète destinée à être la terre refuge des afro-américains. Ce film est considéré comme fondateur de l’afro-futurisme. Sur scène, il apparait dès lors affublé de costumes extravagants, avec des casques métalliques le reliant au cosmos, ou en dieu Ra. Son aura est immense aujourd’hui. Il a ouvert les voies et les esprits pour l’immense majorité des esthétiques musicales contemporaines et son imagerie, du free jazz, du funk bien sûr, mais du punk, du rock indé de l’électro, de la pop mainstream jusqu’à Lady Gaga et Solange.

On ne peut s’empêcher de faire le lien et de voir à travers ces deux tentatives une forme de réponse comme refuge fictionnel face à l’hostilité du monde extérieur rencontré par Marcus Garvey, le Moïse Noir, qui militait pour le retour des descendants d’esclaves en Afrique et qui a inspiré le rastafarisme.


Horizons

De l’autre côté de l’Atlantique, en Europe, sans doute fortement nourrit par Drexciya, le duo Global Communication (Mark Pritchard et Tom Middleton) produit sous le pseudo Reload, cet album A collection of short stories. Passé relativement inaperçu en 1993 mais objet d’un culte souterrain tenace aujourd’hui, le disque accompagné d’un livret contenant une nouvelle de l’écrivain Dominic Fripp pour chaque morceau, a entrainé des nuits de rêveries cotonneuses et cosmiques pour un certain nombres de ses auditeurs.
Avec sa musique ambient électro futuriste, Reload est un stimulant extraordinaire pour les horizons lointains, les voyages sidéraux et autres failles spatio-temporelles.

Ces derniers mois, l’écrivain d’anticipation Alain Damasio, proposait en bonus de son livre Les Furtifs, alternative de ce "monde d’après", avec le guitariste Yann Péchin, une bande son Entrer dans la couleur qui se prolongera d’ailleurs sur scène un jour, peut être.

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On plonge chaque semaine dans une thématique en lien avec l’actualité (ou non), avec comme terrain de jeu, les musiques actuelles, évidemment.
Et puis on écrit, on compile, on fait des playlists, on (re)découvre des livres, des films, des albums.

Le troisième épisode s’intéresse aux mondes parallèles, à leurs initiateur·rice·s et retrace une brève histoire des imaginaires à travers la pop music.

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